Ils ont peut-être des limitations physiques ou mentales, mais leur volonté de travailler traverse les barrières. Des entreprises québécoises se tournent vers des personnes handicapées pour contrer la pénurie de main-d’œuvre. Si leur emploi nécessite une adaptation, les bénéfices sont exponentiels.

À l’abattoir Viandes Giroux d’East Angus, Jean-Maurice Goudreault est concentré sur sa tâche. Il a été formé à un tout nouveau poste il y a quelques mois : dépouiller la viande à la table à jambierC’est dur physiquement, mais j’aime ça, affirme-t-il gaiement.

Jean-Maurice arrose une section de l'abattoir.

Jean-Maurice Goudreault a pu compter sur l’aide de l’organisme Orientation travail pour trouver son emploi. Photo : Radio-Canada

Rien n’est à l’épreuve de l’ouvrier qui travaille pour l’entreprise depuis 15 ans, pas même ses difficultés d’apprentissage. Lui et sa collègue Kim Thompson, qui a les mêmes limitations, sont inestimables pour leur employeur.

 

 

 

 

 

Travailler dans un abattoir ce n’est pas ce qu’on pourrait appeler »sexy». On n’a pas une filée de gens qui attendent à la porte pour venir travailler donc, oui, c’est intéressant d’avoir des gens comme Kim et Jean-Maurice, révèle la directrice des opérations chez Viandes Giroux, Stéphanie Giroux.

Kim Thompson est penchée sur son travail.

Kim Thompson travaille chez Viandes Giroux depuis plus de 10 ans. Photo : Radio-Canada

Les deux employés n’ont pas de traitement de faveur. Ils réalisent exactement les mêmes tâches que les autres et ils n’échangeraient leur place pour rien au monde.

C’est comme un challenge, c’est fun. Il y a tout le temps du nouveau, tu ne sais jamais à quoi t’attendre quand tu fais l’abattage.

 Kim Thompson, employée de Viandes Giroux

L’organisme Orientation travail a fait le lien entre Stéphanie Giroux et ses deux employés. Selon la coordonnatrice des services spécialisés, Marie-Claude Marcil, l’organisation aide environ 500 personnes avec des limitations à se trouver du travail dans la région chaque année.

C’est un bassin d’employés fidèles, qui ont plein de belles compétences et qui ont beaucoup à apporter au marché du travail, estime Marie-Claude Marcil.

Une contribution précieuse

Marc-André Laurier Thibault n’a pas eu la même chance que Kim Thompson et Jean-Maurice Goudreault. Malgré un baccalauréat en ressources humaines à HEC Montréal, celui qui a une paralysie cérébrale a bûché pour se trouver du travail.

J’ai envoyé une cinquantaine de CV. Je me rendais compte que c’était très difficile. Il n’y avait pas de retour d’appels, confie-t-il.

S’il est aujourd’hui le directeur des relations publiques et des affaires gouvernementales chez Savoura, il milite encore pour favoriser l’emploi des personnes handicapées. Une alternative que plusieurs considèrent gagnante pour combler la pénurie de main-d’œuvre.

Il faut changer le réflexe qu’on est des «enfants malades». On a des gens qui ont des handicaps qui sont compétents, qui ont des diplômes et qui sont en mesure de travailler.

 Marc-André Laurier Thibault, directeur des relations publiques et des affaires gouvernementales, Savoura.
« Dans une entreprise, une personne handicapée apporte beaucoup de positif et inspire ses collègues », analyse Marc-André Laurier Thibault. 

Quand on parle de pénurie de main-d’œuvre au Québec, on parle tout le temps des personnes en situation d’immigration et je suis amplement d’accord avec ça, ajoute Marc-André Laurier Thibault. Par contre on représente un bassin de population vraiment important. Il faut penser à nous.

Savoura emploie déjà à temps plein six personnes avec un handicap. L’entreprise de Laurier Thibault compte d’ailleurs doubler ce nombre d’ici la prochaine année.

Il y a beaucoup d’entreprises qui sont très ouvertes même à créer des postes sur mesures pour les gens, mais il faut savoir que ce n’est pas plus compliqué que les autres clientèles, renchérit Marie-Claude Marcil d’Orientation Travail. C’est vraiment d’être ouvert à faire les choses différemment.

Une aide à fignoler

Certaines entreprises reçoivent une compensation monétaire pour faciliter l’intégration des personnes handicapées.

Le Contrat d’intégration au travail (CIT) est une aide financière versée par le ministère du Travail du Québec qui permet de rembourser à l’employeur certaines dépenses liées aux exigences de productivité, à l’encadrement fourni ou à l’environnement de travail, écrit par courriel une porte-parole du ministère, Caroline Charrette.

Une aide qui pourrait être améliorée, estime Marc-André Laurier Thibault. Selon lui, les délais de traitement sont trop longs.

Pour moi, c’est un non-sens. Ça coûte beaucoup plus cher au gouvernement de nous laisser sur l’aide sociale que de payer pour un programme comme celui-là, plaide-t-il.

« Il y a beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients à employer ces gens-là. Oui ça demande une adaptation différente qu’un employé normal, mais c’est de l’encadrement comme dans tout ce qui est ressources humaines. Moi, je vois que du positif », révèle Stéphanie Giroux. 

Pour sa part, le ministère du Travail confirme qu’il planche sur une nouvelle politique d’intégration, sans donner de date précise sur sa mise en vigueur.

Pour Stéphanie Giroux, le travail de Kim et de Jean-Maurice va bien au-delà de l’aide gouvernementale.

On souhaite qu’ils soient ici encore très, très longtemps, espère Stéphanie Giroux. Kim et Jean-Maurice sont toujours présents, ils sont toujours de bonne humeur, c’est un plaisir de les côtoyer chaque jour.

Kim et Jean-Maurice comptent rester dans le giron de l’entreprise pour encore plusieurs années. Aussi longtemps qu’ils vont me garder! , lance à la blague Jean-Maurice.

 

Source : Radio-Canada