Certains diront qu’il suffisait d’y penser. Face à la pénurie de locaux pour l’implantation massive de la maternelle 4 ans par le gouvernement Legault, l’idée d’établir des ententes avec des centres de la petite enfance (CPE) fait son chemin.

La MRC de Montcalm dans Lanaudière affiche l’un des plus importants taux de décrochage scolaire au Québec. Plus d’un garçon sur trois n’obtient pas son diplôme d’études secondaires. Pour améliorer le sort des jeunes, le Carrefour jeunesse-emploi mène une offensive en matière d’éducation dont l’une des idées phares est l’implantation d’un projet pilote qui intégrerait une maternelle 4 ans dans un CPE.

À plusieurs endroits au Québec, « des commissions scolaires songent à passer des ententes avec des CPE », explique Égide Royer, professeur spécialisé en enseignement à l’Université Laval.

Un tel projet, selon lui, vise à utiliser les infrastructures existantes, « déjà bien organisées ». En partenariat avec les commissions scolaires, le programme du préscolaire serait ensuite intégré aux enfants de 4 ans sur place dans le CPE avec l’appui, en bonne et due forme, d’une enseignante et d’une éducatrice spécialisée afin de mieux dépister les troubles d’apprentissage.

L’essentiel, c’est vraiment la combinaison : une personne avec un baccalauréat de 4 ans croisée à temps plein avec une personne à la petite enfance. C’est le croisement des deux, la fine équipe que ça forme, qui fait une différence importante.

 Égide Royer, professeur spécialisé en enseignement à l’Université Laval

Autrement dit, un enfant ayant fréquenté un CPE très jeune peut demeurer dans le lieu physique où il a grandi et à partir du moment où il atteint l’âge de 4 ans, la matière du ministère de l’Éducation lui est enseignée.

Contrairement à une classe de maternelle 4 ans dans une école, dont l’accès est gratuit, le tarif demeure pour le CPE. Des ressources supplémentaires et spécialisées dans le développement des enfants, comme les orthopédagogues, sont aussi prévues à mi-temps dans les établissements scolaires.

Une idée avancée par l’Ordre des psychologues

Dans un mémoire sur la réussite éducative datant de 2017, l’Ordre des psychologues du Québec indique qu’« on aurait tort d’engager trop tôt les enfants d’âge préscolaire dans un curriculum résolument scolaire. La petite enfance, c’est le jeu ».

L’organisme, dont la mission principale est la protection du public, refuse de se prononcer sur la voie à privilégier entre les maternelles 4 ans et des services de garde enrichis.

Pourquoi ne pas instaurer une maternelle 4 ans dans un CPE?

Écoutez l’entrevue accordée par Égide Royer, psychologue et professeur associé à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, à l’émission Midi info et diffusée sur ICI Première.

L’Orde des psychologues recommande néanmoins « que la maternelle 4 ans soit offerte à tous les enfants du Québec, sous la responsabilité d’une équipe de deux personnes composée d’une éducatrice à la petite enfance et d’une enseignante du préscolaire suffisamment formées aux risques et anomalies développementales, logée à la garderie ou à l’école, selon les modalités qui conviennent le mieux à chacun des milieux scolaires et des communautés ».

L’Association québécoise des CPE indique que plusieurs initiatives sont en développement dans son réseau. « Avoir un continuum et du partage et pouvoir bonifier l’offre de services, c’est toujours une bonne idée », avance la directrice générale, Geneviève Belisle.

Un projet pilote, tel que proposé dans la MRC de Montcalm, permettrait d’autant plus, d’après elle, « de respecter là où les parents souhaitent recevoir leurs services ».

Le ministre ouvert, mais pour des cas exceptionnels

Pour ne pas nuire aux discussions en cours avec le ministère de l’Éducation, le Carrefour jeunesse-emploi de Montcalm préfère ne pas faire de commentaires quant à son projet pilote.

Au cabinet du ministre de l’Éducation Jean-François Roberge, on nous a d’abord fait valoir qu’il y a peu de chances que le projet aille de l’avant, puisque « ce n’est pas dans la vision du projet de loi » déposé récemment et destiné à universaliser les maternelles 4 ans. « La pédagogie et l’approche sont différentes; dans la mission, c’est différent », entre les maternelles et les CPE, nous a-t-on évoqué, tout en précisant qu’il ne s’agit pas de « travailler l’un contre l’autre ».

Puis, après publication de notre article, le dossier a été regardé plus en profondeur. Dans des cas exceptionnels, tel qu’un manque de locaux disponibles, une commission scolaire pourrait temporairement installer une classe dans un CPE, rapporte maintenant le cabinet.

Pourtant, « tout le monde jase de la flexibilité et de la complémentarité », rappelle Égide Royer.

Le gouvernement caquiste a d’ailleurs envoyé un message favorable aux CPE la semaine dernière. Le ministre de la Famille, Mathieu Lacombe, promet d’accélérer l’ouverture de 13 500 places subventionnées pour les milliers d’enfants en attente d’une place en garderie.

Variation d’enfants si 80 % d’entre eux fréquentent la maternelle 4 ans en 2023 (par rapport à 2018)

  • Maternelle 4 ans : + 69 486
  • Centres de la petite enfance : 0
  • Garderies privées subventionnées : 0
  • Services de garde en milieu familial : – 24 733
  • Garderies privées non subventionnées : – 18 845

Ajout d’effectifs si 80 % des enfants fréquentent la maternelle 4 ans en 2023 (par rapport à 2018)

  • Enseignants : 5081
  • Ressources spécialisées : 2540
  • Éducateurs en services de garde en milieu scolaire : 1060

Source : Analyse d’impact réglementaire du ministère de l’Éducation

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Source : Radio-Canada